Puce à l'Oreille du 28 Janvier 2017
« À Dada sur mon CD »
Musique, Dadaïsme et Surréalisme.
Et si Breton dans son génie indiscutable avait eu tort sur un point? Et si surréalisme et musique avaient noué des relations discrètes, magiques et fulgurantes, en marge, voire en contradiction avec l’anathème proféré par Breton lui-même dans le numéro quatre de « La Révolution Surréaliste » ?
On le sait, la phrase d’André Breton est restée célèbre : « Que la nuit continue donc à tomber sur l’orchestre, et qu’on me laisse, moi qui cherche encore quelque chose au monde, qu’on me laisse les yeux ouverts, les yeux fermés – il fait grand jour – à ma contemplation silencieuse. ».
Qu’est-ce donc qu’André Breton, grand timonier du surréalisme, reproche à la musique ? Qu’est-ce donc encore qu’il ne lui reconnaît pas, tout en confessant une quasi-surdité vis-à-vis d’elle ?
Le surréalisme situe le beau dans les confins du soi, sollicitant les ressources et les beautés cryptées de l’inconscient. Il représente également une réforme, et partant une critique des valeurs. Au même titre que son grand frère le dadaïsme, il fut et restera une pensée révolutionnaire. Alors, par quoi la musique ferait-elle échouer cette réforme de l’art, voire sa destruction programmée ?
La musique, Breton, la juge trop émotive ; trop confusionnelle pour réaliser les idéaux qu’il a fixé à son mouvement. En agissant comme un épais filtre émotionnel, elle nous empêcherait d’accéder à cet autre qui est en nous.
La musique comme écran de fumée, brouillant la perception intime de cet être inconscient qu’il s’agit de faire advenir par différents procédés ? Peut-être…
Sa position, Breton la maintiendra jusqu’à la rédaction d’un court texte « Silence d’or » publié en 1944 dans la revue « Modern Music ». En quelques phrases, il fera plus qu’assouplir son idée d’une domination des arts visuels et plastiques sur les arts sonores ; il lèvera définitivement l’anathème.
Mais il est vrai qu’après-guerre, le champ musical a changé, même aux oreilles à demi-closes d’un Breton visionnaire et dogmatique. Libérée et diversifiée, la musique n’est pas loin de réaliser certains idéaux dadaïstes et surréalistes.
Car nous le savons aujourd’hui, la « beauté convulsive, érotique-voilée, explosante-fixe, magique circonstancielle », appelée de ses vœux par Breton dans « l’Amour Fou », s’est lovée dans les principales révolutions musicales du vingtième siècle. De Boulez à Coltrane en passant par les Beatles, les actes révolutionnaires et magiques n’ont pas cessé d’advenir.
Alors, écoutons maintenant ce que les révolutions dadaïstes et surréalistes ont provoqué comme remous dans les musiques savantes ou populaires. Écoutons en quoi elles ont subverti la musique et dérangé l’auditeur en ouvrant grandes les portes et les fenêtres, en bousculant les usages, en donnant, enfin, à écouter le monde tel qu’il n’est pas.
R.A
A savoir...
Une partie des oeuvres et documents présentés lors de cette séance d'écoute est absente du catalogue de la médiathèque du fait de leur rareté ou de leur arrivée prochaine dans nos collections.
Artiste – Titre – Album
Erik Satie – « Parade » - Satie – Œuvres pour orchestre.
Frank Woeste/Dave Douglas – « Œdipe » – Dada People.
The Beatles – « Revolution 9 » - Album blanc.
Houngan – « Agoué-Dambala » - Haitian Vodou.
Godley & Creme – « The Flood » - Consequences.
Robert Desnos/Christelle Sery/Tania Pividori/Serge Adam – « Loin de moi » - Journal d’une apparition.
KLF – Elvis on the Radio, Steel Guitar in my Soul » - Chill Out.
Boris Vian/Henri Salvador – Chanson surréaliste – Intégrale, vol. 1.
Nukariik – « The Game » - Inuit Throat Songs and Drumming.
John Cage/Sergeï Utbar – « 4’33, deuxième mouvement » - Music for Piano, vol. 3.
The Residents – « Easter Woman » - Commercial Album.
Pierre Schaeffer/Pierre Henry – « Prosopopée 1, premier mouvement de la Symphonie pour un Homme Seul » - L’œuvre Musicale.
John Coltrane – « Crescent » - Crescent.
André Souris – « Fatrasie » - Musiques.
Le choix de Jean-Jacques Korsakissok :
Miklos Rozsa – « Subconscious » – La Maison du Docteur Edwardes.
Le choix de Philippe Debray :
Genesis – « In the Cage » - The Lamb lies down on Broadway.